jeudi 24 septembre 2015

Coalitions - Ne vous attendez pas à un engagement avant le 19

Avez-vous remarqué qu'on n'entendait plus parler continuellement de coalitions? En 2008, c'était la grosse mode. Le Parti libéral et le NPD jouaient au chat et à la souris sur le sujet. Après l'élection de 2011, si catastrophique pour les libéraux et si merveilleuse pour le NPD, la pression s'est intensifiée, cette fois-ci en faveur d'une fusion en bonne et due forme. Concrètement, on demandait au PLC de se laisser absorber.

Revenons en 2015. Les deux partis sont toujours dans la course, au coude à coude avec les Conservateurs. Ni Trudeau, ni Mulcair n'a voulu formellement parler de coalition (sauf pour bien paraître). À ce stade-ci, de toute façon, il est ou trop tard, ou trop tôt; on verra pourquoi plus loin.

Une coalition, ça doit se bâtir et ça doit offrir quelque chose de concret. Certains détails doivent être réglés avant l'élection: qui serait premier ministre; qui serait le partenaire majoritaire; quels éléments de chaque plateforme seraient mis de l'avant, etc. Le NPD et le PLC espèrent tous deux former le prochain gouvernement. Au rythme où vont les choses, tous deux ont des chances, tout comme le PCC d'ailleurs. En formant une coalition, l'un des deux aurait en quelque sorte abdiqué en faveur de l'autre. 

C'est un peu ce qui s'est passé au Royaume-Uni, où les Conservateurs et les Libéraux-Démocrates ont formé une coalition entre 2010 et 2015, et où les Conservateurs jouaient le rôle de partenaire senior. Aujourd'hui, les Libdems sont à peine visibles au Parlement. On comprend que ni l'un ni l'autre ne souhaite risquer d'avoir l'air de demander de l'aide. 

Traditionnellement, au lendemain d'une élection, le Gouverneur général demande au Premier ministre sortant s'il croit pouvoir mener le gouvernement, attendu qu'il n'ait pas démissionné la veille en cas de défaite (e.g. Paul Martin). Or, même si le NPD et le PLC gagnaient 112 sièges chacun le 19 octobre prochain, si le PCC n'avait ne serait-ce que 113 sièges (accordons un siège à Elizabeth May), Stephen Harper pourrait gouverner, peu importe les 225 sièges de l'opposition. 

Trop tard, donc.

Le Premier ministre sortant a quatre options: il peut tenter sa chance et prendre le risque d'être battu dès son Discours du Trône; il peut négocier une alliance avec un autre parti; il peut passer son tour; il peut attendre.

Si le gouvernement est battu en Chambre dès le Discours du Trône, le GG passera probablement au chef du deuxième plus gros parti, plutôt que de déclancher une nouvelle élection. Ce serait donc à Trudeau ou Mulcair

À moins qu'un parti ne s'effondre et que ses sympathisants ne passent à l'un ou lautre des deux options restantes, le prochain parlement devra faire face aux enjeux suivants:
Chaque parti est mathématiquement capable de former le gouvernement, moyennant l'appui d'un autre;
Les Canadiens semblent vouloir un changement de gouvernement dans une proportion de 2/3, selon les derniers sondages;
Les Conservateurs ont deja les fonds nécessaires pour une nouvelle élection;
Les autres partis n'ont pas l'argent nécessaire pour mener une nouvelle campagne à court terme sans s'endetter. 

Dans ces conditions, malgré les meilleures intentions du monde, il est difficile de prévoir si le PLC et le NPD souhaiteraint risquer de defaire le Premier ministre dès son discours inaugural. Trudeau et Duceppe ont indiqué qu'ils n'appuiraient jamais un gouvernement Conservateur, laissant supposer qu'ils tenteraient de le défaire à la première occasion. Ceci laisse reposer la survie d'un gouvernement conservateur minoritaire sur les épaules de Mulcair.

Revenons aux options du Premier ministre sortant. Il peut encore "passer un deal", ou passer son tour. Considérant ce qui vient d'être dit, il peut seulement espérer que le NPD ne veuille pas immédiatement retourner en élection et l'appuie temporairement. Ceci dit, vu que ce serait l'équivalent d'un suicide politique pour Mulcair, c'est peu probable.

Une fois dans l'opposition, les Conservateurs seraient libres de battre à leur tour le nouveau gouvernement, à moins que les deux autres partis soient en mesure de conclure une alliance, formelle ou non. C'est seulement à ce stade-ci qu'une coalition peut etre réellement envisagée.

C'est pourquoi je disais qu'il était encore trop tôt. 

La plupart des analystes ont déjà annoncé que le prochain gouvernement sera minoritaire. Je crois plutôt que la dynamique actuelle rend cette perspective impossible à moyen et long terme, à moins qu'un parti, comme je disais plus tôt, n'abdique face à un autre.

En 2011, le PLC faisait face à l'extinction pure et simple. En même temps, le NPD abandonnait son rôle de "conscience du Parlement" pour devenir un prétendant crédible. Ce faisant, il a mis en jeu le capital de sympathie majeur que son rôle précédent lui conférait. Les deux partis ont déployé d'immenses efforts au cours des quatre dernières années en vue de l'élection de cette année, pour montrer qu'ils étaient prêts à former le gouvernement. Une défaite pourrait signer la fin de l'un d'eux, mais une abdication face à Stephen Harper l'assurerait. Il est donc peu probable que l'un ou l'autre ne signe une entente avec lui.

Si aucune formation ne se démarque réellement du lot, il y aura une alliance des partis dits progressistes, ou il y aura une autre élection. Le NPD et le PLC rejettent cette option, mais vue l'ampleur des ressources conservatrices, ils ne pourront pas se permettre de reprendre la route pour une seconde campagne.

On peut donc prévoir un partenariat tendu et amer pour au moins quelques mois, quoiqu'on en dise aujourd'hui.

À savoir qui pèserait le plus dans cette alliance, ça risque de se décider par une longue partie de "chicken" à huis clos.

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