mercredi 23 septembre 2015

FPTP - Comment notre système électoral joue avec votre tête

Beaucoup de gens réclament un changement de système électoral, depuis quelques années. Habituellement, les alternatives suggérées sont: la représentation proportionnelle et le scrutin préférentiel.

Aujourd'hui encore, en 2015, le NPD propose le premier, et le PLC penche vers le second. Notre système actuel, nommé "uninominal majoritaire à un tour" (First Past the Post en anglais, ou FPTP) est plus ou moins le même depuis le début de l'histoire canaidenne, soit 1791, à l'époque des Haut et Bas Canada.

La beauté du FPTP vient de sa simplicité. L'électeur vote pour élir son représentant local. Tous les représentants vont à Ottawa et l'équipe qui a le plus de joueurs forme le gouvernement, et le chef de cette équipe-là devient, en principe, Premier ministre de sa majesté pour le Canada. Les votes ne sont pas directement ajoutés au total national récolté par un parti ou un autre. Dans les régimes présidentiels comme celui de nos voisins du sud, l’électeur est appelé à voter pour son représentant, son sénateur, son gouverneur et son chef d’état: le président. Ici, on vote pour une personne, et si elle est battue, tant pis.

C'est assez bien compris par la plupart des gens. Je fais la distinction parce qu'on me dit quand même assez souvent: "Moi je vote pour [le chef de tel parti]". Non. C'est pas vrai. En fait, c'est tellement "pas vrai" que parfois, les chefs sont battus dans leur propre circonscription. Indirectement, ouiiii, on peut voter pour tel ou tel candidat local parce qu'il épouse plus ou moins les valeurs de son parti et par extension de son chef (idéalement), mais ce vote n'est pas transféré au chef ou au parti.

Je reviens au passage sur mon commentaire du 21 septembre, sur l'industrie du sondage. L'un des principaux défauts des sondages qui présentent des scores nationaux, c'est qu'ils sont fondamentalement trompeurs. Même si on effectuait un recensement des intentions de votes et que tout le monde répondait honnêtement, on ne pourrait pas deviner avec certitude qui l'emporterait avec ces pourcentages pour seuls indices. 

C'est ce qu'il y a de trompeur avec le FPTP. Il ne rend pas compte de la volonté nationale...

Démonstration et exemples

Imaginons un pays fictif où on n'aurait que deux partis (A et B) et quatre circonscriptions (1, 2, 3 et 4). Un sondage est effectué la veille de l'élection générale: le parti A serait en avance avec 61.5% des intentions de vote. Le lendemain, les sympathisants du parti B se trainent lamentablement au bureau de scrutin pour voter, le coeur lourd, certains que leur parti a perdu d'avance. Or, le soir-même, Bernard Derome annonce que, si la tendance se maintient, le prochain gouvernement sera majoritaire et formé par le parti B, avec 75% des sièges. 

Impossible? 

Regardons les résultats plus en détails.

Circ. 1 Circ. 2 Circ. 3 Circ. 4 Votes Sièges
Parti A 99% 49% 49% 49% 61.50% 1
Parti B 1% 51% 51% 51% 38.50% 3

Comme on peut voir, le parti A est extrêmement populaire dans une circonscription, mais a perdu de peu dans les trois autres. Malgré sa très forte popularité à l'échelle nationale, et en dépit d'un sondage très rigoureux, le découpage de la carte électoral a joué en faveur du parti B. Le parti A, lui devra se contenter de son siège d'opposition.

Or, avec plus de deux partis, la situation peut théoriquement être bien pire. Imaginons qu'un troisième parti voit le jour dans notre pays fictif (C).

Circ. 1 Circ. 2 Circ. 3 Circ. 4 Vote Sièges
Parti A 46% 44% 42% 49% 45.25% 0
Parti B 47% 50% 10% 50% 39.25% 3
Parti C 7% 6% 48% 1% 16.50% 1

Le tableau, je crois, est assez explicite. 

Au Canada, le Gouverneur général ne demande pas au parti le plus populaire de former le gouvernement. Il le demande au parti qui a su se faire élire dans une pluralité (majorité simple) de circonscription. Ça ne veut pas simplement dire qu’un parti peut remporter une majorité absolue des sièges sans une majorité absolue des votes; ça veut aussi dire qu’un parti peut remporter une majorité absolue des sièges sans même avoir obtenu la pluralité des voies.

Dans l'exemple ci-haut, j'ai manipulé les chiffres de façon à démontrer à quel point les résultats peuvent être éloignés de l'intention des électeurs. Ce sont des cas extrêmes, qui risquent peu de se produire dans la vraie vie... Mais on a parfois des petits écarts pour vrai, comme en témoignent les élections de 1979 au fédéral, et de 1998 au provincial.

Avec 500,000 voies et 10% de moins que les Libéraux de Pierre Trudeau, les Progressistes-Conservateurs de Joe Clark ont obtenu 20 sièges de plus et ont pu former le gouvernement en 1979. En 1998, le Parti Québécois de Lucien Bouchard a réussi à remporter la majorité des sièges à l'Assemblée nationale, bien que plus de Québécois aient donné leur appui aux Libéraux de Jean Charest. L'ADQ, avec un respectable 12% des voies exprimées, n'a remporté qu'un seul siège.

Alors?

Bien que crève-coeur, voire injustes, on ne peut pas considérer ces victoires comme illégitimes. Ce sont les règles du jeu, et il faut les accepter pour pouvoir jouer. Ce serait surtout malhonnête de rejeter le blâme sur le système. Avoir gagné, on ne se serait pas plaint.

Est-ce pour autant qu'il faut préserver le statu quo? À mon avis, non. Indépendemment des résultats électoraux antérieurs, le consensus serait une meilleure avenue pour l’avenir que la division en silos que nous connaissons aujourd’hui. Contrairement aux pères fondateurs du XIXème siècle, nous avons les moyens technologiques pour nous doter d'un système électoral moderne, à l'image de la société que nous désirons. 

Changer, oui, mais changer pour quoi? Proportionnelle, préférentielle? Ça sera le sujet d'un autre billet.

Mais bon. Ce n'est que mon opinion. À mon avis, les changements apportés au mode de scrutin et aux institutions nationales devrait faire l'objet d'une consultation nationale. Pour quelque chose d'aussi important, on pourrait considérer un référendum. C'est, après tout, le seul cas où on peut réellement se fier au résultat global.

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